19.9.06

Mardi 19 septembre, 23h

A l'instant même où je commence à écrire ces lignes, tandis que deux geckos se battent sur la vitre de ma fenêtre, à l'extérieur - ils sont là tous les soirs, attirés par la lumière de mon appartement -, je jette un regard en arrière, et je me rends compte qu'il y a deux mois jour pour jour, heure pour heure, que je suis arrivé en Inde. Le temps, décidemment, me glisse entre les doigts, avec une rapidité terrifiante. D'ailleurs, je ne vois pas les journées passer, bien que je ne me lève pas tard, surtout les jours de cours, et que je ne me couche pas tôt, même les veilles de cours.

Cela fait longtemps que je n'ai plus rien ajouté à ces carnets indiens. Il y a deux raisons à cela. La première, c'est que je suis désormais rentré dans une certaine routine, celle des cours, de ma vie dans mon appartement, où je suis tout seul, désormais que mes amis français sont rentrés au pays, et que je découvre moins de choses. J'ai donc, forcément, moins de choses à raconter, moins d'impressions nouvelles à livrer. Je n'envisage pas de mettre un terme à ces carnets, mais ceux-ci vont sans doute prendre un aspect différent, plus impersonnel, plus documentaire aussi peut-être, en relation avec mes cours. La seconde raison de mon long silence, c'est que j'ai été très occupé ces derniers temps, d'une part par les derniers jours passés en compagnie de mes amis, d'autre part par l'exigence de travail liée à mes cours, enfin par une escapade d'une semaine que je me suis offerte à l'île Maurice, où je connais quelqu'un.

Quelques mots sur cette escapade vers Maurice, pour dire que c'était quitter l'Inde pour, dans une certaine mesure, la retrouver sur cette île paradisiaque de l'hémisphère Sud. En effet, la population mauricienne est composée de plusieurs communautés, qui restent d'ailleurs très distinctes et ne se mélangent pas : on trouve notamment une communauté créole, une communauté "blanche" - l'île Maurice a été une possession française, d'où la francophonie de l'île, colorée d'un accent unique et d'expressions particulières, puis une colonie anglaise -, et, surtout, une communauté indienne qui représente plus de la moitié de la population. Cette communauté est issue des travailleurs indiens que les Britanniques, du temps de la colonisation, ont fait venir sur l'île pour travailler dans la culture de la canne à sucre - la production du sucre demeure, avec le tourisme, la principale activité économique du pays. Ainsi, on trouve sur l'île Maurice nombre de temples hindous, la télévision mauricienne diffuse des films de Bollywood et la gastronomie locale comporte quelques ingrédients que l'on retrouve dans la cuisine indienne, par exemple le curry. Voilà pourquoi je dis que j'ai, dans une certaine mesure, retrouvé l'Inde à Maurice, même s'il va de soi que les paysages et le mode de vie mauriciens ont peu de choses à voir avec ceux de l'Inde.

Cette semaine sur l'île Maurice a été très bénéfique ; je m'en suis rendu compte, j'étais fatigué, et un peu tendu. L'Inde est un pays passionnant, fascinant, et je ne regrette pas une seconde d'avoir l'opportunité d'y passer un an. Cependant, l'Inde est également un pays épuisant, en tout cas lorsqu'on réside à Delhi, ville constamment tourbillonnante, étouffante, bruyante, sale, ville vivante et harassante à la fois. Le contact avec les Indiens est lui aussi parfois fatigant, il faut bien le dire : particulièrement en tant qu'Occidental, il faut toujours négocier, toujours prendre garde à ne pas se faire arnaquer, toujours se méfier des sourires, car ils peuvent être intéressés ; il faut supporter d'être constamment sollicité, tantôt par les commerçants qui vous hèlent, tantôt par les mendiants qui vous font sentir à chaque seconde à quel point vous êtes privilégié, qui vous écrasent de leur misère sans nom, et face auxquels vous vous sentez indigne, obscène, presque monstrueux ; il faut supporter la rudesse des Indiens, dont la politesse n'est pas la qualité première, et qui semblent par exemple ignorer le principe de la file d'attente. Tout cela, bien sûr, est fort peu de choses face à la richesse humaine du peuple indien, et face à la gentillesse extraordinaire des Indiens dès lors que vous avez avec eux une relation qui n'est pas commerciale, mais purement amicale ; mais tout cela, tout de même, est un peu usant.

Voilà pourquoi passer du temps sur des plages superbes et tranquilles, faire quelques brasses dans une eau fraîche et claire, me promener dans les allées d'un luxuriant jardin botanique, goûter une dizaine de sucres différents, circuler au milieu des champs de canne à sucre, suivre des yeux le relief volcanique de l'île, voilà pourquoi mon séjour sur l'île Maurice aura été reposant, ressourçant, à bien des égards. J'en suis revenu avec un enthousiasme et une curiosité renouvelés à l'égard de l'Inde, et c'est avec plaisir que je me suis laissé ressaisir par la touffeur, le bruit et la fureur de Delhi, dès ma sortie de l'aéroport, un peu comme si c'était la première fois.

Depuis mon retour, j'ai évidemment repris les cours. Je parlerais prochainement de ceux-ci, de ce que j'y apprends et des rencontres que j'y fais. Pour l'heure, il commence à se faire un peu tard ; les deux geckos qui se battaient sur ma vitre ont disparu ; dehors, le concert des klaxons, s'il ne s'est pas totalement tu, s'est fait plus discret ; je n'aspire plus qu'à aller me rafraîchir par une bonne douche froide, avant de me coucher sur le drap, juste sous le ventilateur, qui tournant, tournant sans fin, m'entraînera peu à peu dans le doux vertige du sommeil.

1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

T'as vraiment trop de chance d'être aller à l'île Maurice!!!!Tu me donnes trop envie!!!
@++

26 septembre, 2006 17:33  

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