23.7.06

Soir de resultats

Je republie ici le texte que j'avais ecrit le soir ou j'ai appris que je partirais en Inde. Il reprend partiellement et complete le post d'introduction.

Mercredi 1er février 2006, 23h

En quelques instants, l'impatience qui s'était accumulée depuis un mois a pris fin, il y a de cela deux heures maintenant.

Sciences Po, mon école, envoie tous ses étudiants passer la troisième des cinq années de leurs études dans une université étrangère. Ce soir, la direction des affaires internationales de l'école a publié les affectations des étudiants qui seront à l'étranger l'an prochain, pour l'année 2006-2007.

J'en fais partie ; j'irai en Inde, à Delhi, à l'université Nehru, spécialisée en sciences sociales - l'université la plus politisée de tout le sous-continent indien, l'une des pouponnières des cadres politiques de la plus grande démocratie du monde.

Je suis ravi : l'Inde était le premier des six choix que j'avais formulés et entre lesquels Sciences Po devait trancher ; certains de mes amis n'ont pas tant de chance, et se retrouvent avec leur quatrième ou sixième voeu. Peu, cependant, semblent vraiment attristés : cette troisième année à l'étranger, où qu'on la passe, est incontestablement une chance immense qui nous est offerte. L'an prochain, cinq cents étudiants de Sciences Po seront donc éparpillés aux quatre coins du monde : beaucoup iront aux Etats-Unis, beaucoup moins en Inde ; nous serons aussi dans tous les pays d'Europe, de la Pologne à l'Espagne et de la Norvège à la Grèce, nous serons en Russie, en Egypte, en Afrique du Sud, en Australie, au Japon, en Chine, au Brésil, en Uruguay, où sais-je encore? Tous, où que nous soyions, nous travaillerons dans une langue qui nous est étrangère, nous serons confrontés à une culture différente de la nôtre ; lorsque nous reviendrons en France, nous ne serons plus les mêmes. Sans doute nos personnalités seront-elles plus diverses qu'elles ne le sont actuellement, car chacun aura intégré un peu du pays où il aura séjourné.
C'est face à ce défi personnel qui nous attend, et dont nous pouvons mieux estimer les contours désormais que nous savons où nous irons, que toute la promotion des actuels étudiants de 2ème année baigne en ce moment dans une euphorie extraordinaire. Il y a de quoi : passer une année à l'étranger sera, à n'en pas douter, et ainsi que le confirment les "anciens", une expérience inoubliable, qui nous ouvrira au monde, bouleversera nos conceptions et nous enrichira humainement. Tant pis si, en écrivant ceci, je donne l'impression de répéter une brochure publicitaire, ou d'être le porte-parole de l'administration de Sciences Po. Je suis persuadé que cette troisième année est un des aspects les plus intéressants et les plus formateurs du cursus que nous suivons.


Nous avions remis nos dossiers de candidature sous la grisaille livide d'un des premiers jours de janvier. Un petit mois plus tard, nous voilà tous, ce soir, l'esprit voguant vers nos futures destinations. Nous sommes encore en plein coeur de l'hiver parisien, nous sortons quotidiennement des couloirs étouffants du métro pour nous jeter dans les griffes acérées du froid vif qui règne actuellement, et nos pensées vont, selon les cas, vers des hivers plus froids encore, comme ceux de Scandinavie, ou vers un Noël passé en maillot de bain sur une plage australienne. Pour ma part, je m'imagine baignant jusqu'aux genoux dans des rues inondées par la mousson, sous une pluie diluvienne et dans une chaleur infernale.

Ce cliché exotique est à peu près tout ce que j'arrive à visualiser pour le moment. Tout à mon bonheur, tout entier secoué par le choc de la nouvelle, je ne réalise pas encore ce que signifie le verdict qui vient de tomber ; mais je mesure pleinement son importance. J'ai conscience que ce soir est un moment exceptionnel, et je ne peux m'empêcher de repenser à ce jour où j'ai décidé de demander à partir en Inde - j'aurai l'occasion de revenir sur les raisons de ce choix. C'était il y a un peu plus d'un an, quelques semaines après mon entrée à Sciences Po. Il ne s'était rien passé de particulier, je ne faisais que réfléchir aux destinations qui m'intéressaient, sans même me documenter sur la question, à ce stade. Depuis quelques mois, avant même d'être à Sciences Po, j'envisageais l'hypothèse indienne, mû par une sorte d'attirance spontanée. Il y a des moments, d'apparence insignifiante, où se scelle pourtant en nous une décision. Soudain, sans même qu'il y ait toujours une raison, on n'hésite plus, on sait. Ce jour d'octobre 2005, sans trop savoir pourquoi, je fus certain de vouloir passer en Inde ma troisième année d'études. Le reste ne fut dès lors plus qu'approfondissement, maturation, recherche d'informations et concrétisation de ma candidature.


Il est minuit. Dans le reflet d'une fenêtre de l'immeuble d'en face, j'aperçois le laser de la Tour Eiffel qui balaie le ciel parisien, si proche et déjà si loin. J'ignore si ce n'est que l'ivresse passagère propre aux grands moments d'enthousiasme, ou si c'est une impression qui m'accompagnera jusqu'à mon départ, mais je me sens déjà là-bas, à Delhi, dans ce pays immense dont j'ignore à peu près tout. J'ai la sensation que ma troisième année vient de commencer. Quoi qu'il en soit du chagrin de quitter ma famille pendant un an, je suis euphorique, la dimension exaltante de l'expérience l'emporte évidemment sur tout le reste. J'ai besoin, pour me calmer, pour analyser, de poser sur le papier ce que j'ai sur l'esprit. C'est pourquoi j'inaugure ces carnets, dont j'ignore si je leur serai fidèle jusqu'au terme de mon séjour indien, mais que j'entrevois pour l'instant sous le ciel de mes meilleures intentions et d'une assiduité indéfectible. Wait and see, comme disent les Anglais, et sans doute aussi les Indiens.

3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Yeaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah, l'année prochaine je serai à......

Toulouse !

27 juillet, 2006 13:56  
Anonymous Anonyme said...

J'étais trop contente pour toi quand j'ai appris que tu partais pour l'Inde!!!!!Maintenant je me dis que c'est mieux que tu sois parti en Inde qu'en Australie.Je suis trop pressé de venir te voir!!!Bisous et a++.

27 juillet, 2006 14:33  
Anonymous Anonyme said...

ouaiiii coool!

17 août, 2006 20:39  

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